CORPORATE. Retour sur la construction du Bat'impact®, à l'occasion de l'anniversaire de notre premier podcast

Comment s'est construit notre score environnemental ? On vous propose de réécouter notre podcast anniversaire

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Comment s'est construit notre score environnemental ?

Pour répondre à cette question, nous avions interrogé il y a tout juste un an, Florent Chalot de la Coopérative Mu, agence d'éco-conception avec qui nous avons créé le score et le test de chantiers.

Vous pourrez réécouter ce podcast diffusé en avril 2021 sur toutes les plateformes d'écoute. Sa retranscription est à lire ici :

COOPERATIVE MU

Nous accueillons Florent Chalot de la Coopérative Mu qui nous a accompagné au début de Carbon Saver pour mettre en place tous les principes d'écoconception de Carbon Saver. 

C'est donc l'essentiel du moteur. 

Nurra Barry, Carbon Saver : Quand nous sommes venus à votre rencontre pour vous demander de nous accompagner parce que, concrètement, nous n'étions pas des experts de l'éco conception, comment avez-vous perçu le projet ? Qu'est ce qui vous a intéressé et qu'est ce qui vous a semblé assez difficile dans un premier temps sur ce projet là?

Florent Chalot, Coopérative Mu : Ce qui nous a intéressé? Je vais prendre deux secondes pour présenter l'agence, cela permettra de bien expliquer ce qui nous a intéressé dans ce projet. 

Donc, la Coopérative Mu, c'est une agence d'écoconception, ce qui veut dire que notre mission est d'accompagner des entreprises qui s'interrogent sur les enjeux environnementaux et les impacts environnementaux de leurs produits et qui cherchent à s'améliorer.  Donc de façon générale, nous sommes amenés à travailler sur un produit ou une gamme de produits en particulier et à accompagner l'entreprise le plus en amont possible, depuis l'idée jusqu'à la mise sur le marché. Pour cela, nous avons une équipe qui est composée d'ingénieurs spécialisés en environnement capables de faire des analyses du cycle de vie et des designers capables d'aider les entreprises avec lesquelles nous travaillons à améliorer et à réfléchir des solutions pour leurs produits. Donc, la plupart du temps, le type de projets sur lesquels nous travaillons, c'est un produit en particulier ou une gamme. Et là, ce qui nous a intéressé en premier lieu, c'est l'objectif de Carbon Saver, non pas de travailler sur un cas spécifique, mais de développer un outil qui puisse être déployé pour améliorer des tas de chantiers de projets d'agencement. Donc c'est vraiment intéressant en termes d'ampleur et de nombre de personnes touchées. 

Nura : Est ce que pour les novices qui nous écoutent, tu peux expliquer ce qu'est l'éco conception en quelques mots ?

Florent : L'éco conception, consiste, de façon très simple, à intégrer la prise en compte de l'environnement quand on conçoit un produit. Quand je dis “produits”, c'est vraiment au sens très large. Ça peut être un bien physique, mais ça peut aussi être un service et ça peut être un bâtiment, un logiciel.

Nurra : Quand nous avons connu le travail de Coopérative Mu, ce qui nous a frappé, c'est un chiffre dont vous parliez : 80% de l'impact d'un produit ou d'un service se joue au moment de la conception. Tu confirmes? 

Florent : Bien sûr, c'est un chiffre très général, mais qui est issu d'une étude de l'ONU. 

Et effectivement, quand on y pense, une fois qu’on a dessiné un produit ou un projet d'aménagement, une fois qu'on sait à peu près à quoi il va ressembler, qu’on a sélectionné le type de matériaux et le type de procédés par lesquels on va le mettre en place, on peut toujours chercher à améliorer les choses en allant chercher un meilleur fournisseur ou en réduisant un peu les transports. Mais on joue vraiment à la marge. 

Là où nous avons vraiment un potentiel de gain environnemental et de réduction d'impact environnemental, c'est dans ces phases amont où l’on va vraiment réfléchir à la conception du produit. 

Nurra : Effectivement, c'est vraiment ce qui nous a frappé, ce qui est à l'origine du projet Carbon Saver, c'est qu'en tant qu'architecte ou architecte d'intérieur, on se rend bien compte que tout se joue au moment où l’on dessine et on présente le projet une première fois déjà au client. Et une fois qu'on l'a fait rêver, saliver sur certains matériaux, c'est compliqué de dire, mais vous savez, le bilan n'est pas terrible, donc finalement, on va faire autrement. 

Florent : C'est exactement ça. 

Nurra : Et voilà, la solution a été de se dire : nous allons trouver une solution pour qu’en amont, nous ayons les bonnes réponses tout de suite pour orienter le projet. L'éco conception, c'est travailler en amont sur la conception pour réduire son impact par rapport au produit final. Comment faire pour justement, dans cette phase de conception, savoir quels matériaux choisir? Comment je sais que je vais mettre du bois, du béton ou du plastique? 

Florent : La première chose à faire, c'est de se poser la question et de bien comprendre où sont les principaux enjeux environnementaux du projet qui nous intéresse et où mettre l'effort. Parce que c'est vraiment dommage de mettre beaucoup d'efforts sur un aspect du projet. On pourrait se rendre compte à la fin que cela compte ou bien que c'est marginal et que nous avons mis beaucoup d'efforts pour rien. 

Pour cela, ce que nous faisons, ce sont des analyses du cycle de vie; une analyse du cycle de vie va consister à reprendre le cycle de vie du projet ou du produit qui nous intéresse depuis les matières premières jusqu'à la fin de vie de notre produit, en passant par toutes les phases intermédiaires : les transports, la fabrication, la phase d'usage de mon produit et la prise en compte de tout ce qui rentre dans ce cycle de vie en terme de matériaux, de consommation d'énergie, de transport. Mais aussi de tout ce qui sort en terme d'émissions de polluants dans l'air, dans l'eau, de production de déchets et de transformer cela avec des méthodes dédiées en impacts environnementaux, dont on connaît tous l'impact carbone

Et effectivement, avec l'analyse du cycle de vie, on est capable de comprendre quel est l'impact carbone d'un projet ou d'un produit. Mais il n'y a pas que le carbone. Il y a toute une batterie d'indicateurs environnementaux, divers types de pollution. Les effets sur la santé, la consommation d'eau, la consommation de ressources, etc. Pour essayer d'avoir la vision la plus large possible sur les enjeux du produit ou du projet qui nous intéresse

Nurra : Non, il n'y a pas que le carbone, par exemple, il y a les métaux.

Florent : Malheureusement, on n'a pas que le changement climatique comme problématique environnementale. Typiquement pour les métaux, la production de métaux, leur extraction du sol, leur raffinage, leur transformation en objets utilisables va avoir un impact carbone, mais pas seulement. Il va avoir des impacts sur la pollution des eaux parce que les mines, malheureusement, génèrent beaucoup de pollution dans les cours d'eau qui passent à côté. Et puis, il va y avoir un impact sur la disponibilité des ressources métalliques parce que les métaux sont en quantité limitée dans le sol. On n'est pas capable de tous les récupérer. Techniquement, on arrive à une certaine limite. Et on n'est pas non plus capable de tous les réutiliser. Typiquement, quand on utilise des métaux rares en toute petite quantité dans des produits électroniques, aujourd'hui, on ne sait pas très bien les récupérer techniquement et on sait encore moins bien les récupérer pour que ce soit économiquement intéressant. Donc, c'est important d'économiser ces ressources là qui sont limitées et pour lesquelles on risque de se retrouver embêtés si on les a toutes épuisées. 

Nurra : Donc, finalement, on peut se dire qu'il n'y a pas que le carbone dans la vie. Il y a aussi l'exploitation de ressources limitées puisqu'on est dans un monde fini. Ensuite, il y a la réutilisation, la récupération. Ce qui m'a sidéré dans l'étude, c'est que, par exemple, certains matériaux ne sont jamais réemployés. Ils sont purement et simplement enfouis dans le sol parce qu'on ne sait rien faire d'autre. 

Florent : Oui, alors effectivement, on se dit souvent et c'est souvent un bon réflexe qu'il faut faire des produits qui soient recyclables. Effectivement, ça va dans le bon sens, si on est capable de le faire. Encore faut il qu'il y ait une filière de recyclage qui existe, c'est-à-dire des gens qui soient capables d'aller collecter ces matériaux là en particulier, capables de les trier des autres matériaux. Parce que, sauf cas particuliers, on ne sait pas recycler les différents matériaux quand ils sont mélangés entre eux. Et puis, il faut qu'il y ait des gens qui soient capables de les recycler. Et donc, s'il manque un seul de ces maillons dans cette chaîne, le recyclage ne peut pas se faire. Et donc, le matériau finit par être détruit, soit enfoui dans une décharge, soit brûlé dans un incinérateur, dans la plupart des cas

Nurra : Il y a une autre chose intéressante quand on entend parler des déchets dans l'étude, c'est la manière dont on achemine ses déchets dans beaucoup de chantiers. Nous avons un entrepreneur, notamment en rénovation, qui fait tout le chantier, qui remplit son camion, qui va à la déchetterie. Et puis vous, chez MU, vous arrivez en disant Non, mais arrêtez, c'est n'importe quoi. Vous allez prendre un bon vieux 3 tonnes 5 qui va venir ramasser les déchets en une fois parce que l'impact est divisé par deux. C'est quand même dingue ce truc. 

Florent  : Alors dans la réalité, c’est un peu plus subtil que ça, il y a beaucoup de différences de pratique en fonction des entreprises et puis en fonction des cas particuliers. Ce qu'on constate, en général, c’est qu’il y a une variable entre l'entrepreneur qui se promène avec sa camionnette, qui n'est pas remplie de façon optimale, et le transporteur qui fait des longues distances avec un 3,5T, beaucoup mieux optimisé pour ses transports. Cela ne veut pas dire qu'il faut mobiliser un 3,5 T pour transporter un sac de sable sur 10 km, évidemment, mais sur les  projets d'aménagement, l'enjeu transport est beaucoup plus global sur la camionnette, qui va faire beaucoup d'allers retours en n'étant pas très remplie par rapport au gros camion qui lui, va être très optimisé. 

Nurra : C'est intéressant parce que finalement, c'est toujours la même question qui revient. Que faire dans une situation donnée? C'est-à-dire que chaque chantier est différent, chaque contexte, chaque position géographique a ses qualités, ses avantages et ses inconvénients. Et finalement, l'idée, c'est qu’en fonction de la situation donnée, on va faire tel ou tel choix. Et l'ambition forte de Carbon Saver, c'est de pouvoir dire : sur ce chantier-là, c'est plutôt l'entrepreneur avec sa camionnette, ou c'est plutôt un ramassage collectif. Mais parce qu'on sera capable de quantifier la quantité de déchets à transporter, voir la nature lorsque le projet sera arrivé à maturité pour savoir quelle est la meilleure solution pour le réemploi derrière des matériaux ou leur destruction quand on n'a pas d'autre solution. 

Florent Pour revenir sur cette question du transport, encore une fois, la conclusion n'est pas qu'il faut mobiliser des gros camions pour transporter peu de choses, mais par contre, nous avons plus à gagner. C'est plus intéressant de mettre de l'effort sur le fait de trouver des entrepreneurs qui soient proches du chantier pour éviter de faire trop de kilomètres avec des camionnettes. De toute façon, il y aura du transport avec des camionnettes. Mais on est capable sans doute de trouver des entrepreneurs qui soient proches plutôt que de chercher des grossistes qui soient proches. C'est intéressant de le faire, mais il y a moins d'enjeux sur cette phase-là du transport. 

Florent : Ce que nous avons fait pour Carbon Saver, c'est que nous avons fait une analyse environnementale sur un panel de chantiers représentatifs de l'activité pour comprendre où étaient les enjeux principaux. Nous avons parlé des enjeux qui étaient un peu transverses. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que bien sûr, les chantiers sont tous très différents et que les enjeux diffèrent vraiment au cas par cas. Il y a quelques aspects qui se retrouvent quasiment tout le temps, mais dans le détail, cela va vraiment dépendre si l’on refait un sol et ou une cuisine et ou une chape de béton, avec toutes les variations qui sont possibles et les priorités qui vont changer cela. Je crois que c'est un des défis du projet qu'on s'est fixé. C'est d'être capable de rendre compte et de donner des conseils qui restent pertinents dans tous les cas. Donc là, il y a un travail de réflexion et d'adaptation de l'outil pour pouvoir remplir cet objectif

Nurra : Finalement, quels conseils donneriez-vous à un architecte ou un architecte d'intérieur qui dessine un projet? Est ce qu’il y a des grands points communs auxquels il doit faire attention et qui doivent orienter leur choix dès le départ? 

Florent : Oui, il y a quelque chose qui ressort et on l'a un peu évoqué de façon transverse. La question des métaux, c'est assez clair. Les métaux ont un impact environnemental important de façon générale. Pourquoi? Parce qu’il faut les extraire dans les mines. Parce qu'il faut beaucoup d'énergie pour les raffiner et les mettre en forme. Pour faire fondre les métaux, il faut les chauffer très fort pour qu'ils deviennent transformables. Nous avons cette question de l'épuisement des ressources métalliques, etc. Même s' ils sont potentiellement recyclables en fin de vie, ils ont malgré cela, un impact environnemental très important. Cela ne veut pas dire qu'il faut arrêter complètement d'utiliser des métaux. Ils ont aussi leurs utilités. Ils ont des propriétés techniques qui ont beaucoup de valeur. Donc, il faut continuer à les utiliser, mais uniquement dans des applications où ils ont vraiment de la valeur. 

Nurra : Donc on n'a pas d'alternatives.

Florent : Si ! Dès lors qu’on peut trouver une alternative à des métaux en utilisant du bois, du béton, ou même en utilisant du plastique. 

Nurra : Pour que les auditeurs comprennent bien finalement le rôle de la Coopérative Mu dans le projet Carbon Saver : finalement, ça a été de poser des bases scientifiques parce qu'il faut savoir que l'analyse de cycle de vie, ce n’est pas “ Ça a l'air un peu sale ou ça a l'air un peu propre “.. Derrière, il y a des vraies bases de données scientifiques, des calculs savants. 

Florent : Finalement, c'est vraiment une méthode quantitative. On ne cherche à pas mesurer parce qu'on ne va pas avec notre petit détecteur à CO2 sur les chantiers, mais à évaluer de façon quantitative l'impact du cycle de vie d'un aménagement. 

Nurra : Donc, quand je suis ingénieur environnement et que je dois faire une analyse de cycle de vie, concrètement, j'ai quels outils pour faire cela de manière scientifique et sérieuse? Qu'est ce que j'utilise ?

Florent : Ce qu'on cherche à obtenir, c'est l'ensemble des consommations d'énergie et consommations, matériaux, dépollution, etc qui sont liées à notre produit, notre cycle de vie. 

Nurra : Donc, concrètement, on remonte à sa composition. Voilà donc la matière brute que nous avons extraite.  

Florent : Il va falloir comprendre et quantifier tous les matériaux qui sont utilisés, par exemple pour le cycle de vie. Et là, on va avoir des bases de données pour nous aider qui vont nous dire que, par exemple, pour un kilo de béton utilisé ou un kilo d'acier, on va avoir telle consommation d'énergie, de matières brutes, d'eau, tel besoin en transport, etc, etc. Et tout cela est utilisé à travers un logiciel dédié à l'analyse du cycle de vie qui va être capable de transformer tous ces flux en impacts environnementaux. 

Nurra : Et comment je suis sûr que finalement ma base de données de départ est saine? Par qui est édité ce logiciel  ?

Florent : C'est fabriqué et édité par des laboratoires de recherche universitaire. Ça vient du monde académique. Les données sont en partie issues des industriels parce que c'est eux qui fournissent les bases de données, c’est à eux qu'on doit la connaissance. On ne peut pas imaginer de but en blanc ou au doigt mouillé quelle est la quantité d'énergie pour faire fondre un kilo d'acier. Il faut que les industriels participent à la construction de ces bases de données. Après, ils ne peuvent pas se permettre de dire n'importe quoi. Tout cela est bien surveillé. Il y a des revues critiques qui sont faites sur ces données, donc normalement, elles sont fiables. 

Nurra : Et là, finalement, c'est ce qu'on est en train de construire avec vous. Nous avons mis au point le Bat’Impact®, qui est le score construit, qui sera intégré à la solution Carbon Saver. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur comment fonctionne le principe du bâtiment? Parce que nous avons beaucoup parlé de l'analyse de cycle de vie. Dans le Bat’Impact® finalement, on mélange plein d'indicateurs, on met ça dans un shaker et on ressort avec une réponse ?

Florent : C'est exactement ça. Alors effectivement, on est encore en train de construire cet outil, mais on commence à peu près à voir à quoi cela va ressembler. Effectivement, l'idée, c'est qu'on va avoir un certain nombre de thématiques qui peuvent s'appliquer ou pas au projet car cela va dépendre des projets. Des fois, on fera de la plomberie, d’autres fois, on fera un sol, les murs, etc. Et en fonction des éléments du projet , on va avoir un questionnaire sur les aspects les plus significatifs en termes d'impacts environnementaux sur la thématique concernée. 

Donc si je prends un exemple simple, on s'est rendu compte, en faisant l'analyse des projets passés, qu'il y avait beaucoup plus d'impact quand on installe des WC suspendus que quand on installe des WC classiques. Pourquoi ? Parce que des WC suspendus demandent une armature très conséquente dans le mur pour fonctionner. Cela a un intérêt fonctionnel, mais en termes d'impact environnemental, c'est sensiblement plus important que d’installer des WCs posés. Et cela fera varier la note obtenue sur le chantier et on aura une information qui nous dira : attention si vous voulez améliorer votre note, réfléchissez à poser des WCs classiques plutôt que des WCs suspendus. Et puis on va avoir des indices un peu plus quantitatifs. On va demander la résistance thermique des fenêtres, par exemple, un chiffre simple à trouver sur la documentation technique des produits que nous avons sélectionné. L'idée étant encore une fois que cela soit simple à utiliser pour pas avoir à démonter un WC pour le reposer. 

Nurra : Donc, c'est un peu comme le bac, il y a des coefficients. Sauf que Carbon Saver fournit les indices. 

Le Bat’Impact® et l'outil Carbon Saver sont issus de co-construction avec notre communauté d'architectes. N'hésitez pas à nous rejoindre pour y participer.

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